Les désherbeurs robotisés peuvent-ils apporter une solution au problème des pesticides en France ?

Les désherbeurs robotisés peuvent-ils apporter une solution au problème des pesticides en France ?

mai 17, 2023 Non Par ACF

Avec la pression croissante exercée sur les agriculteurs pour qu’ils minimisent l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (PPP), le désherbage manuel est devenu une tâche exigeante et laborieuse, aggravée par la pénurie de main-d’œuvre disponible. Cependant, l’émergence des « robots désherbeurs » soulève la possibilité d’une solution viable à cette situation difficile. Ces technologies agricoles automatisées peuvent-elles offrir une solution ?

Avec l’arrivée des désherbants, le désherbage manuel dans l’industrie agricole est devenu moins pénible. Toutefois, comme la réduction de l’utilisation des pesticides a pris de l’importance sur le plan politique et que les pratiques d’agriculture biologique ont gagné du terrain, la question de la lutte contre les mauvaises herbes a refait surface. Non seulement le désherbage est une tâche laborieuse, mais il exige également une main-d’œuvre importante.

Maët Le Lan, directeur de la station expérimentale de maraîchage de Bretagne Sud, s’est attaché à améliorer les conditions de travail des agriculteurs. Il a souligné qu’environ un tiers du temps de travail d’un maraîcher est consacré aux tâches de désherbage. En outre, il est de plus en plus difficile de trouver de la main-d’œuvre disponible pour ce travail exigeant.

Par conséquent, la responsabilité du désherbage incombe principalement aux maraîchers, qui souffrent souvent de troubles musculo-squelettiques en raison de cette activité à forte intensité de main-d’œuvre.

Améliorer les conditions de travail

Partant de ce constat, Naïo Technologie s’est lancé dans le développement d’un robot désherbeur. Gaëtan Séverac, ingénieur en robotique et co-fondateur de Naïo Technologie, explique que l’inspiration pour cette innovation est née de conversations avec des agriculteurs qui avaient du mal à trouver de la main d’œuvre en raison de la pénibilité des tâches de désherbage.

Au cours de plusieurs années, Naïo Technologie a mis au point un robot électrique compact nommé Oz, équipé d’un système de guidage GPS intégré. Cette technologie de pointe permet à Oz de naviguer sans effort dans les rangées de légumes. A l’aide d’une caméra et d’un laser, le robot identifie son itinéraire tout en se faufilant entre les plants de laitue et de tomate, évitant ainsi tout obstacle potentiel sur son chemin.

Gaëtan Séverac précise que la caméra et le laser intégrés au robot jouent un rôle crucial dans la distinction entre les mauvaises herbes et les cultures, ce qui permet d’éliminer avec précision les plantes indésirables. Déjà, une centaine de maraîchers, principalement en France mais aussi dans des pays voisins comme la Belgique et les Pays-Bas, ont adopté cette technologie et l’ont intégrée à leurs pratiques agricoles.

« Le domaine de la robotique et du désherbage ou de la récolte fait l’objet de projets de recherche depuis plus de 30 ans, mais avec des limites en termes de coût et de technologie », explique l’ingénieur.

Cependant, grâce aux récentes avancées technologiques, un large éventail de possibilités est apparu, offrant de nouveaux horizons à l’automatisation de l’agriculture.

Une solution prometteuse

Si le potentiel d’Oz semble prometteur en théorie, plusieurs obstacles entravent ses progrès, car la technologie est encore en cours de perfectionnement. Maët Le Lan, qui mène des expériences avec le robot depuis cinq ans à la station expérimentale, a mis en évidence quelques difficultés. Il a expliqué que le robot commet parfois des erreurs dans ses tâches de désherbage, car il peut contourner les mauvaises herbes plus hautes et endommager par inadvertance les plantes potagères. Ces obstacles indiquent qu’il est nécessaire de poursuivre le développement et la mise au point de la technologie.

L’objectif est d’évaluer les différentes mises à jour du robot par le biais de tests, ce qui permettra aux agriculteurs de disposer de conseils éclairés concernant leurs investissements potentiels, surtout si l’on tient compte du coût du robot, qui s’élève à 25 000 euros. Le directeur a souligné l’importance de fournir aux maraîchers des conseils clairs sur le bien-fondé de l’investissement. Actuellement, les performances du robot varient en fonction de facteurs tels que les conditions spécifiques de l’exploitation et la propension des agriculteurs à adopter la technologie.

Outre le coût et les améliorations nécessaires pour Oz, la complexité de la programmation du robot est encore accrue par la diversité des cultures, telles que les choux, les navets, les salades, les carottes et les panais, chacune ayant des exigences uniques en matière d’espacement. Pour garantir des performances optimales, l’itinéraire d’Oz doit être programmé de manière à tenir compte des caractéristiques spécifiques de chaque culture. Cela implique d’incorporer dans la programmation du robot des informations détaillées sur les types de cultures et leurs schémas d’espacement respectifs.

Gaëtan Séverac explique :

« Actuellement, environ la moitié de nos clients sont des agriculteurs biologiques. Cependant, dans le secteur du vin, nous avons surtout des viticulteurs qui souhaitent passer à des méthodes de désherbage zéro. »

Il ajoute :

« À l’heure actuelle, nos coûts sont plus élevés que ceux des désherbants chimiques, de sorte que les agriculteurs qui optent pour des alternatives chimiques font réellement un effort pour minimiser l’utilisation de produits chimiques. »

La robotique à la rescousse du désherbage

Outre la création par Naïo Technologie du robot Oz et du robot désherbeur de vignes Ted, plusieurs autres entreprises se sont également lancées dans le développement de robots destinés à relever les défis de la lutte contre les mauvaises herbes.

Touti Terre, une PME située en Haute-Savoie, a lancé le robot Toutilo, conçu pour aider les maraîchers à effectuer des tâches de désherbage manuel tout en conservant une posture plus ergonomique. Le robot se déplace le long des rangées de légumes, ce qui permet au maraîcher placé au-dessus de lui d’éviter les positions répétitives debout et à genoux souvent associées aux méthodes de désherbage traditionnelles.

Par conséquent, le robot réduit non seulement le temps consacré aux tâches de désherbage d’environ 20 %, mais il atténue également la fatigue associée à ce travail. Par ailleurs, il existe d’autres machines qui permettent d’utiliser des désherbants ultra-précis. C’est le cas du robot Ecorobotix, spécialement conçu pour les grandes cultures céréalières, qui permet d’appliquer des micro-doses de désherbant à l’endroit précis où se trouvent les mauvaises herbes.