La lutte intégrée contre les ravageurs a du mal à s’imposer en France
avril 13, 2023Bien qu’elle ait été approuvée par l’Union européenne et les autorités françaises, la lutte intégrée contre les ravageurs (IPM) a du mal à se généraliser en France. Malgré ses avantages avérés pour les agriculteurs et l’environnement, la mise en œuvre de la lutte intégrée a été lente dans le pays.
La lutte intégrée englobe un large éventail de stratégies, notamment la rotation des cultures, la réduction de la densité des cultures et le remplacement des pesticides chimiques, entre autres. Ces stratégies requièrent une approche holistique qui prend en compte l’écosystème dans son ensemble et vise à lutter contre les parasites tout en minimisant l’impact sur l’environnement.
Toutefois, ces pratiques ne sont pas très répandues en France.
Bien que les ventes de produits phytopharmaceutiques aient connu une forte baisse en 2019, elles ont rebondi de 23 % en 2020. Le gouvernement a reconnu que ces ventes sont restées constamment élevées au cours de la dernière décennie.
En 2008, le gouvernement français a lancé le plan Ecophyto dans le but de réduire l’utilisation des pesticides de 50 % en dix ans, tout en préservant la compétitivité du secteur agricole. L’échéance a ensuite été repoussée à 2025 dans le cadre des plans Ecophyto II et Ecophyto II+.
Pour atteindre cet objectif, la France entend « renforcer l’adoption des principes de la protection intégrée des cultures ».
Selon François Veillerette, porte-parole de l’ONG Générations futures:
« Le gouvernement ne propose pas d’incitations suffisantes pour favoriser la généralisation de la lutte intégrée, à l’exception peut-être de la redevance sur les pollutions diffuses, qui n’est pas très dissuasive ».
La redevance sur les pollutions diffuses, basée sur la toxicité et la dangerosité des substances utilisées, a été mise en place pour inciter les agriculteurs à réduire l’utilisation de produits polluants et à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement. L’objectif est d’encourager l’adoption d’alternatives moins nocives et, en fin de compte, de réduire l’impact global des pratiques agricoles sur l’environnement.
En 2020, la Cour des comptes française a reproché au gouvernement de ne pas mettre en œuvre efficacement sa stratégie, malgré son engagement à promouvoir l’utilisation de la lutte intégrée et des techniques alternatives. La Cour a souligné que les objectifs fixés il y a dix ans n’ont pas été atteints conformément aux engagements pris par le gouvernement.
Des problèmes similaires se posent également au niveau de l’Union européenne. Bien que les principes de la lutte intégrée soient déjà énoncés dans la directive européenne de 2009 sur l’utilisation des pesticides, les progrès dans la mise en œuvre des initiatives dans ce domaine ont été lents et les mesures de soutien ont été largement insuffisantes, comme l’a noté la Cour des comptes européenne.
Qu’est-ce qui se cache derrière cet échec ?
Une étude récente menée par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a montré que l’absence d’une terminologie claire et de définitions multiples contribuait aux difficultés rencontrées par la lutte intégrée contre les ravageurs en France.
Bien que l’agroécologie soit considérée comme un concept inspirant, M. Omon a mis en garde contre le fait qu’elle a également conduit à un relâchement des concepts agronomiques éprouvés et à un manque d’objectifs clairs. Il a mis en garde contre le fait que tout le monde prétend être agroécologiste, ce qui entraîne un manque de cohérence. Toutefois, les pratiques de lutte intégrée contre les ravageurs semblent être bénéfiques pour l’économie. Un rapport détaillé de l’INRA publié en 2009 a montré que les pratiques de lutte intégrée réduisent les rendements, mais pas la rentabilité de l’exploitation, et qu’elles l’augmentent même souvent.
En effet, la réduction des dépenses résultant de la diminution de l’utilisation des pesticides se traduit par une augmentation des bénéfices.
« Il n’y a pas de perte de bénéfices », confirme M. Omon, qui s’appuie sur 15 années de suivi des cultures dans l’Eure.
Cependant, malgré les succès locaux, les initiatives du réseau DEPHY ont du mal à être adoptées à grande échelle ou « massification ».
M. Omon a reconnu les difficultés liées à l’intégration de la protection intégrée. Selon lui, il devient de plus en plus difficile pour les agriculteurs de maintenir ce système, car il continue à subir la pression de la société et la norme socioprofessionnelle dominante qui promeut l’utilisation des pesticides.
« Ils s’accrochent pour des raisons sociales, d’engagement personnel et de relation avec le groupe, mais il est très difficile de s’opposer à l’air du temps et à une norme socioprofessionnelle dominante. Ils se considèrent comme de petites îles au milieu d’un océan. Cela demande beaucoup d’énergie », conclut-il.